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XIVème au XVème siècle : Le temps de l'institutionnalisation Une pastorale d'enfermement La première tentative de sanitarisme dans le domaine de la prostitution remonte à 1360, avec l'établissement par Jeanne 1re, reine des Deux-Siciles, d'un bordel en Avignon où les filles étaient largement contrôlées par des médecins et une abbesse. Cette initiative était bien sûr faite pour renflouer les coffres du royaume, et non dans une perspective humaniste, mais elle a tout de même créé un précédent.
Étant donné que le Grand Conseil de 1358 a mentionné que "les pécheresses sont absolument nécessaires à la Terra", mieux vaut organiser et contrôler ces dernières. En effet, à partir du XIVe siècle, on assiste a un effort d'institutionnalisation de la prostitution visant à tirer profit de ce commerce, mais surtout de le restreindre à certaines zones de la ville. Puisque les bordels seront dorénavant considérés comme nécessaires par l'Église, les municipalités et les élites des royaumes, tels le clergé dégénéré de l'époque, en prendront rapidement le contrôle et en tireront évidemment profit.
D'ailleurs, Voltaire rapportait que l'évêque de Genève administrait tous les bordiaux de ces terres. Dominique Dallayrac va même jusqu'à avancer que la prostitution amena plus de richesse au clergé que tous leur fidèles réunis. St-Thomas d'Aquin raconte également que des moines perpignanais organisaient une collecte de fond pour ouvrir un nouveau bordel, dont ils vantaient le mérite; "oeuvre sainte, pie et méritoire". D'ailleurs, La chose ira encore plus loin, car en 1510, le pape Jules II fit construire un bordel strictement réservé aux chrétiens.
La naissance du réglementarisme Une savoureuse anecdote nous dépeint bien comment les codes vestimentaires furent établis. C'est l'histoire d'une reine qui aurait partagé le baiser de paix à l'église avec une courtisane richement parée. Apprenant d'une dame l'erreur qu'elle à commise, demanda au roi d'interdire à des femmes de petites vertus de porter "...de si riches toilettes, de sorte qu'on ne puisse les confondre avec les honnêtes gens." Bien sur, ce n'est qu'une anecdote, mais elle reflète une réalité; les femmes de bonnes vertus veulent se démarquer des courtisanes, et éviter que de telles erreurs se produisent.
On voit donc apparaître au XIVe siècle toute une série de règlements visant à ségréguer les prostituées. Tout d'abord, on commence par restreindre leurs activités à l'île du Rialto, soit le quartier des affaires, et en 1360, on leur interdit de se rendre dans le Rialto Nuovo. De la même façon, on leur permet de racoler dans les ruelles, mais non sur l'artère principale du marché. A partir de cette date est également né un "hôtel public, contrôlé par la République". Ensuite, on leur interdit, à partir de 1438, de franchir le seuil des tavernes, et en 1460, un capitulaire ordonne à toutes les prostituées de rejoindre la maison, sinon elles seraient passibles de 10 livres d'amende et de 25 fustigations.
Ce changement est évidemment tributaire de l'effervescence économique que connaît Venise à ce moment, et d'une volonté de donner au coeur de la ville un aspect digne de son prestige. D'ailleurs, en 1492, on expulse les mendiants de la paroisse pour les mêmes motifs. Ces règlements témoignent par le fait même, d'une volonté toujours plus grande pour l'État vénitien d'affirmer son contrôle sur la vie publique, et même sur la vie privée.
Afin de vérifier que les règlements soit bien appliqués, on leurs assignaient des vêtements particuliers afin qu'on les reconnaissent et que l'on puisse sévir si jamais elles n'obéissaient pas. Dans de nombreuse villes européennes, des codes vestimentaires ont été établis, tel à Venise, ou l'on assignait les prostituées de porter un ruban de couleur jaune au cou. À Londres, on leur interdisait de porter de la fourrure ou de la soie. Les talons des souliers des prostituées étaient également limités à une certaines hauteur, à Venise, et à Sienne, elles devaient porter des souliers plats ou des pantoufles. Les souteneurs sont également "condamnés à porter un habit de couleur jaune, sous peine d'être fouettés....afin que tous puissent les reconnaître et surtout les éviter". Ces codes vestimentaires reçurent l'appuis du clergé, comme le pape Clément III le mentionnait à la fin du XIIe siècle: " harlots should dress differently from honest women".