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 [héraldique] Les Batards

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MessageSujet: [héraldique] Les Batards   [héraldique] Les Batards EmptyLun 9 Mar - 17:17

Les brisures de bâtardise dans les armoiries

Par A. Visart de Bocarmé,

Extrait de la Revue belge
d'Archéologie et
d'Histoire de l'art

Année 1938

Naguère, une comédie qui connut un succès mérité, mettait en scène quelques académiciens, fort en peine de trouver les noms des neuf muses. En unissant leurs efforts, ces esprits distingués s’étaient souvenus de Clio, de Melpomène et de Terpsichore. Leur science n’allant pas plus loin, ils priaient le concierge d’aller prendre à la bibliothèque le Dictionnaire de Larousse, à la lettre M. Au bout de quelques instants, le concierge revint bredouille, en leur disant que le « Larousse » avait été demandé par le Ministre de l’Instruction Publique qui ne pouvait s’en passer et refusait de le rendre.

Le théâtre est l’image de nos mœurs et ce trait montre que, dans l’état actuel de notre civilisation, le Dictionnaire de Larousse est la planche de salut pour ceux – trop rares, hélas, que tourmente le désir de savoir.

Or, ayant ouvert la dernière édition de ce lexique estimé, au mot « bâtardises », j’ai trouvé ceci :

« Bâtardise, n. f. Etat de bâtard (en art héraldique, les armoiries de bâtardise se distinguent par une brisure [barre, bande, bâton péri, lambel, etc.] brochant sur le tout des armes de la ligne principale.) »

Or, comme j’espère démontrer que la bâtardise ne se marque ni par la barre, ni par la bande, ni par le bâton péri, ni par le lambel. Ce faisant, il ne demeure de cette définition que l’etc, prudent et élastique, brochant, lui aussi, sur le tout, et je me propose de le vider de son contenu.

J’écarte, dès à présent, le lambel : chacun sait qu’il est la brisure des cadets et ne marque nullement la bâtardise.

Le bâtard, que les auteurs anciens appellent parfois « donné », est l’enfant né de parents qui ne sont pas unis par le mariage.

Il n’est pas hors de propos d’examiner brièvement l’origine du mot qui le désigne. Jadis, on en a vainement cherché la source dans des raisons celtiques ; on a émis aussi l’hypothèse - dénuée de tout fondement historique – que le bâtard était ainsi appelé par analogie avec l’animal de bât par excellence, le mulet, un sang mêlé.

Le danois Nyrop donne l’étymologie la plus vraisemblable et qui trouve sa confirmation dans la philologie comparée : « le lit conjugal, le « thalamus », a toujours été regardé comme l’emblème du mariage. Les enfants conçus dans le lit conjugal étaient et sont les enfants légitimes. G Pâris remarque : c’est dans ce sens que nous disons encore : fils du premier, du second lit. Nous n’emploierions pas ces mots en parlant d’enfants naturels. Pour les enfants engendrés hors du lit conjugal, on a inventé différentes dénominations … ; bâtard est sans aucun doute la plus connue et la plus répandue. La vieille forme est bastart et dérive vraisemblablement de bast, actuellement bât. Le sens primitif doit être : enfant conçu sur un bât ; le mot contient une allusion aux mœurs libres d’autrefois entre les voyageurs qui couchaient sur leur bât et les filles d’auberge. … Bâtard veut donc dire proprement « fils de bât », par opposition au fils provenant du lit conjugal » [voir Kr. Nyrop dans Det Kgl. Danske Videnskaberner Selskab Historisk-filologiske Middelelser. VIII. 2 (1923)].

Nos anciennes coutumes distinguaient les bâtards simples, nés de parents libres – et que le flamand appelle « speelkinderen » - de ceux dont les père et mère n’auraient pu contracter mariage ensemble : les adultérins, les incestueux, les sacrilèges.

Les premiers, à la différence des seconds, pouvaient être légitimés par le mariage subséquent de leurs auteurs, ou par un rescrit du prince. Mais la sévérité de la loi se trouvait tempérée, parfois grâce à des dispositions exceptionnelles : le 10 octobre 1543 Charles-Quint anoblit Hubert de Cluses et lui accorde, entre autres privilèges, celui de légitimer les bâtards, même incestueux, sauf ceux des princes, des comte et des barons [(Christyn) Jurisprudentia Héroica (Bruxelles, Vivien, 1668) p. 10 et suivantes].

Le père pouvait reconnaître son enfant naturel ; l’enfant pouvait intenter une action judiciaire pour rechercher sa paternité ; enfin, dans certaines circonstances, le père pouvait être désigné par la mère.

C’était au point de vue successoral surtout que le bâtard se distinguait de l’enfant légitime. S’il venait à mourir sans postérité, la moitié seulement de son avoir revenait à sa mère, la moitié paternelle étant dévolue au seigneur. Ses descendants légitimes lui succédaient à l’exclusion de tous autres.

Personne n’est bâtard de sa mère; c’est pourquoi l’enfant naturel recueille la succession maternelle.

Les bâtards issus de personnes qui ne pouvaient contracter mariage ensemble, ne succédaient ni à leur père, ni à leur mère.

Voici, en quelques mots, les dispositions du droit féodal, relatives aux bâtards, telles que les expose Philippe Wielant dans son « Tractaet van den Leerechten » :

Un bâtard peut acquérir un fief et en jouir comme enfant légitime ; les bâtards légitimés succèdent aux fiefs comme s’ils étaient légitimes ; ceux de père inconnu succèdent aux fiefs de leur mère. Le bâtard légitimé par le pape ou par le prince ne succède, en Flandre, que du consentement de l’hoir aîné et des autres parents.

Le fils d’une concubine est évincé par le fils de la femme noble que son père a épousée ultérieurement, même si, étant devenu veuf, le père épouse ensuite la concubine.

Les bâtards des princesses n’héritent pas des biens de leur mère, « à cause du grand déshonneur, de l’infamie et de l’opprobre dont elles se sont couvertes et qu’elles ont infligés au pays » [Wielant, Tractaet van den Leerechten, p. 58 et suivantes.

Le père naturel, par la reconnaissance de son enfant, lui transmettait la noblesse avec les privilèges qui y étaient attachés.

Voyons maintenant comment la bâtardise se marque dans les armoiries.

L’édit de Philippe II, du 23 septembre 1595, dispose que « soit apposée et adjoustée aux armoyries des Batsardz et leurs descendants, une différence et marcque notable et spéciale, par quelque barre, ou aultre note éminente ; laquel par tel moyen, donne perpétuellement et a tousjours, à cognoistre telle bastardise, et défault de leur sang illégitime. »

Cette prescription, très peu observée dans la pratique, est atténuée par l’édit des Archiducs du 14 décembre 1616 :

« Pour ce que, par le nom, ny par les armes, on ne peut cognoistre aucune différence ou distinction, d’entre les légitimes et les descendants des bastards, nous voulons et commandons expressément qu’aux armes des bastards et illégitimes (ores qu’ils fuseent légitiméz par lettres de nous ou de nos prédécesseurs) et de leurs decendants, soit apposée différence et marcque notable et espécialle, à scavoir, aux armes des dits bastards ou illégitimes, une barre, et à celles de leurs descendants des légitimes [Cette disposition vise, évidemment, le lambel, brisure des cadets]. A peine de soixante florins d’amende pour chascune contravention. »

L’art. 16 de l’édit du 11 décembre 1754 contient une disposition semblable.

Au dire de tous les héraldistes, la marque spécifique de la bâtardise est la barre. Elle occupe le tiers de l’écu, tirant de l’angle supérieur à senestre (droite) vers l’angle inférieur à dextre (gauche).

La barre est donc le contraire de la bande qui traverse l’écu en diagonale de dextre à senestre.

Quand la barre est étroite et ne contient que les deux tiers de son ordinaire, elle s’appelle cotice mise en barre ; réduite à un simple trait, elle prendra le nom de filet mis en barre.

A l’encontre des héraldistes, qui se contredisent souvent, et qui mettent la barre au nombre des pièces honorables, on peut affirmer que, le plus souvent, elle ne marque pas la bâtardise. Le dictionnaire des figures héraldiques du comte de Renesse énumère 438 familles portant une barre : de ce nombre, bien peu sont venues du côté gauche.

Bescherelle, dont le dictionnaire définit excellemment les termes de blason, a la vraie note, lorsqu’il distingue « la barre simple, qui est large » et qui entre, comme pièce honorable, dans les armes de beaucoup de familles nobles, de la « barre de bâtardise, qui est étroite et qui sert à barrer les armes des bâtards. »

D’ailleurs, on chercherait presque toujours en vain des écus barrés d’un filet ou d’une cotice sur les monuments funéraires, les vitraux, les sceaux et en général aux endroits où ceux qui possèdent des armoiries ont coutume de s’en parer : les exemples en sont très rares.

Les armes du grand bâtard de Bourgogne, qui surmontaient, à Notre Dame de Bruges, la stalle qu’il occupa lors du chapitre de la Toison d’Or, tenu le 5 mai 1468, sont traversées par un filet presque imperceptible, et que porte, avec infiniment de distinction, ce très grand seigneur (Pl. I, 1). Ce filet est un peu plus marqué dans les armoiries qui se trouvent à la cathédrale de Bruges. Il porte, comme cimier, un chat-huant, qu’adopteront aussi la plupart des bâtards de Bourgogne ; quelques-uns substitueront au chat-huant un arbre ; néanmoins, aucun de ces deux emblèmes ne constitue une marque spécifique de bâtardise.

Olivier de la Marche rapporte que lorsque, en 1467, Antoine de Bourgogne fut, en Angleterre, l’hôte du roi Edouard IV, et s’y mesura, dans un tournoi, avec lord Scales, il était paré d’une cotte d’armes de Bourgogne à une barre en travers pour montrer qu’il était un bâtard [Mem. D’Ol. de la Marche, édition Buchon. Livre I, Ch. 37, p. 524].

Les armes de Bourgogne sont barrées aussi sur le sceau de son fils Philippe, seigneur de Beveren, qui les écartèle avec celles de Jeanne de la Viefville, sa mère [Vredius, genealogia Comitum Flandriae, p. 126] (Pl. II, 4).

Adolphe (Pl. II, 5 et 6) et Maximilien de Bourgogne, fils et petit-fils de Philippe, n’ont plus de brisure de bâtardise sur leurs sceaux, où ils écartèlent avec Bourbon-Montpensier et portent les armes de Borssele en abîme, rappelant ainsi le souvenir de leur mère et de leur grand’mère maternelle [Ibid., p. 126, 127]. Seul le chat-huant qui leur sert de cimier indique, à ceux qui en sont avertis, qu’ils sont d’une ligne bâtarde. Ces deux seigneurs portent aussi leurs armes sans brisure, l’un sur la lame funéraire qui recouvrait son cœur à l’église de Beveren-Waes (Pl. I, 2), l’autre au frontispice d’une histoire de Zélande qui lui était dédiée [Chronycke van Zeelandt. 1551. Gheprent Thantwerpen binnen die Camerpoorte inden Mol by die Weduwe van Henrick Peetersen in (t) jaer M.C.C.C.C.C. ende 71 (518) den vyfden dagh van September. (Pl. III, 10).

Toute marque de bâtardise a disparu des armes de Charles de Bourgogne, seigneur de Sommelsdyck (Pl. II, 7), comme de celles de Herman de Bourgogne, baron de Fallais, dont la seigneurie fut érigée en comté en 1615 [Vredius, genealogia Comitum Flandriae, p. 128]. (Pl. III, 11).

Le filet placé en barre n’apparaît guère que dans les armoriaux et dans les arbres généalogiques, où l’on en rencontre de nombreux exemples. Dans ces ouvrages, le trait qui indique la descendance est habituellement brisé ou en zigzag quand il marque une filiation illégitime.

Le chanoine Hellin se sert toujours, dans son recueil, d’un trait brisé pour indiquer la filiation naturelle et, lorsqu’il emploie souvent, comme repère, un cœur percé (Pl. V, 18).

Albert de Bavière, comte de Hainaut, eut 7 enfants légitimes et de nombreux bâtards ; de Marie de Bronchorst il eut Guillaume de Bavière, premier seigneur de Schaegen, qui porte les armes paternelles barrées d’un filet (Pl. IV, 16).

L’émail ou le métal du filet varier d’après celui de l’écu sur lequel il broche. Il est de gueules sur l’écu d’Azur d’Antoine, bâtard de Witthem (P. V, 20), et d’azur sur le fond d’or de l’écu de Dragon de Haveskercke (Pl. V, 19).

Nègrepont Morel est né d’une femme turquesque, pendant que son père Jean Morel, chevalier de Malte, était prisonnier à Nègrepont. Excellent navigateur, capitaine de corsaires à Chypre, il était la terreur de ses adversaires, qui l’appelaient « le bâtard infernal ». Il brisait ses armes d’un filet en barre, d’azur (Pl. V, 21).

Parfois le filet ou la cotice, placé en bande sert à dissimuler la bâtardise, au lieu de la marquer : Jean Baptiste Lamberti, seigneur de Cruyshoven, épouse Jeanne d’Ittre, une fille naturelle, morte le 14 juillet 1656 et qui gît à St. Michel à Anvers. Elle porte de sinople au lion d'argent couronné, au filet de gueules en bande (Pl. V, 22). (Hellin. I. 426).

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MessageSujet: Re: [héraldique] Les Batards   [héraldique] Les Batards EmptyLun 9 Mar - 17:18

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Elles apparaissent aussi sur le mausolée de Jean de Flandre, arrière petit-fils du bâtard de Louis de Male, où elles subissent une curieuse transformation (Pl. X, 35) : on les voit, dans leur forme ordinaire, constituant le premier des quatre quartiers du défunt sur la base du monument : Ghistelles au franc-quartier de Flandre, à un écu de Luxembourg en chef à dextre. Or, au sommet du monument, Jean de Flandre dispose tout autrement les mêmes éléments de son blason : en écartelant Flandre et Luxembourg, avec Ghistelles en abîme (Pl. IX, 34), il prend ce qu’il y a de plus glorieux dans son ascendance et fait disparaître toute brisure marquant la bâtardise.

Ce mausolée était placé, du côté de l’Evangile, dans le chœur de l’église de Beveren-lez-Roulers. Comme la place la plus honorable est près de l’autel, tous les blasons sont renversés ou « contournés », comme disent les héraldistes. Le mari est à senestre, la femme à dextre ; la bande de l’écu de Hennin devient une barre.

Le dernier écu à dextre qui, normalement, devrait être le premier quartier paternel, se trouve, par hasard, être un écu écartelé à quatre lions, presque semblable à celui dont Jean de Flandre se pare lui-même ; si bien qu’on peut se demander si l’on trouve devant une analogie fortuite, ou si l’auteur du mausolée a voulu faire passer l’apparence pour la réalité.

Jean III, comte de Namur, meurt le 1er mars 1429 sans laisser de postérité légitime ; mais il a deux bâtards, entre autres Philippe de Namur, chevalier, seigneur de Dhuy, conseiller et maître d’hôtel de son père. Philippe, qui épousera Marie de Donghelberge, - descendante d’un bâtard de Brabant, et dont l’écu est traversé par une cotice en bande au lieu d’être en barre – porte d’azur, semé de trèfles d’argent, au franc-quartier de Namur. (Pl. VII, 29).

Le sceau de Philippe de Brabant, seigneur de Cruybeke, fils naturel de Philippe de St. Paul, est reproduit par Vredius ; il porte d’argent, au franc-quartier écartelé de Brabant et de Bourgogne [Vredius, op. laud., p. 118]. (Pl. II, 9).

J’ai déjà parlé des enfants naturels d’Albertd e Bavière, comte de Hainaut. Guillaume de Bavière, seigneur de Schaegen, fut chambellan de Philippe le Bon, qui le fit légitimer ; il épousa Alix de Hodenpyl ; leur fils Albert porte les armes de sa mère, Hodenpyl, au franc-quartier écartelé Bavière-Hainaut (Pl. VII, 30).

Les maisons souveraines ne sont pas seules à marquer la bâtardise par un franc-quartier : Gaspar van der Gracht, fils naturel de Vauthier, souverain bailli de Flandre en 1472, porte d’argent au franc-quartier van der Gracht (Pl. VIII, 32). Antoine d’Oyenbrugghe, bourgmestre de Malines en 1526 et en 1534, a deux enfants légitimes et une fille bâtarde, Ontcommer d’Oyenbrugghe qui, comme Jean d’Oyenbrugghe, porte d’azur au franc-quartier d’Oyenbrugghe ; d’autres bâtards de la même famille brisent soit d’un franc-quartier (Pl. VIII, 33), soit d’un filet en barre (Pl. IV, 17). Voici encore Jean d’Oignies, fils naturel de François d’Oignies, seigneur du Quesnoy, qui porte d’argent au franc-quartier (Pl. X, 36) d’Oignies, de sinople à la fasce d’hermine, brisé d’un croissant au canton dextre, et enfin – cas exceptionnel – une bâtarde de Hainaut brisant d’un chef (Pl. X. 37).

Tous ces exemples montrent qu’une seconde brisure de bâtardise consiste dans les armes paternelles, en franc-quartier, dans un écu plain ou quelque fois chargé de meubles.

La bâtardise se marque encore fréquemment – soit par un chef rompu ou diminué – soit par une champagne, le plus souvent d’or et, parfois, d’un émail quelconque. Il arrive que ces deux brisures soient réunies et même accompagnées d’un filet brochant en barre (Pl. X, 38).

La champagne – entendez par là une plaine, une campagne, au bas de l’écu – est souvent entée en pointe, surtout lorsqu’elle accompagne des armes écartelées. Palliot l’appelle alors très ingénieusement « une pointe en pointe » ; cette brisure se rencontre cependant aussi sur des armes simples : une fille bâtarde de Martin de Hornes, mais son frère Henri brise d’un chef rompu (Pl. XI, 40). Les deux brisures dont je viens de parler sont très fréquentes dans les branches bâtardes de la maison de Bourgogne.

On sait que Jean Sans-Peur eut plusieurs enfants de la main gauche ; de sa liaison avec Agnès de Croy, qu’il rencontra lors d’un bal alors qu’il se trouvait « à l’inconnu » à St. Omer, naquirent trois enfants : Jean, Guy et Antoine.

Ce dernier partit pour la croisade et fut tué au siège de Nicopolis.

Guy épousa Jeanne de Bavière, bâtarde du comte de Hainaut dont j’ai déjà parlé.

Jean, l’aîné, au grand scandale de l’Eglise, devint d’abord prévôt de St. Donat à Bruges puis évêque de Cambrai ; ce prélat, entouré de maîtresses eût, d’après un auteur récent, dix-sept enfants naturels. Un curieux arbre généalogique montre l’écu épiscopal de Jean de Bourgogne accompagné de ceux de ses enfants. Un trait brisé marque la filiation illégitime ; mais l’auteur du tableau considère comme légitime le fils aîné de l’évêque et lui accorde, pour ce motif, une accolade rectiligne (Pl. XV, 49).

La nombreuse postérité du prélat porte les armes de Bourgogne, brisées d’une champagne entée en pointe et, dans la descendance de Thierry, époux de Jacqueline van Royen, d’une champagne simple.

Afin d’abréger cet exposé, je reproduis en bloc les armoiries de quelques descendants de Jean de Bourgogne, ou chacun semble avoir pris plaisir à ajouter sa part de fantaisie en exagérant les dimensions tantôt de la champagne tantôt du chef (Pl. XI, 41 et XII, 12).

L’un d’eux, Philippe de Bourgogne, seigneur d’Amerval, épousa Marguerite d’Enghien ; de plus il a « une amise », Marguerite de Cambray, dite Baudet, dame de Cartignies, dont les armes étaient d’or à trois lions d’azur ; une fille naturelle née de cette liaison porte les armes de Bourgogne entées en pointe de celles de sa mère (Pl. XII, 43).

Un exemple est cité par De May, dans les Sceaux de Flandre (I. n° 992) où, en 1338, Simon bâtard de Hainaut, porte un écu de Hainaut, coupé en pointe d’une plaine chargée de trois merlettes.

Si les bâtards de Jean-sans-Peur brisent généralement d’une champagne, on retrouve souvent un chef rompu d’or chez ceux de Philippe le Bon.

Antoine, le grand bâtard, laissa de Marie de Bruaen un fils naturel appelé Antoine, comme son père ; il devint seigneur de la Chapelle, chevalier de l’Ordre de St. Michel, gouverneur de la Zélande, et mourut le 1er juin 1573. Ayant épousé Claire Andries, fille du seigneur de Wacken, il est l’auteur de la branche des Bourgogne, seigneurs de Wacken. Il porte de Bourgogne, au chef rompu d’or ; de plus il brise encore ses armes tantôt d’une champagne entrée en pointe (Pl. X, 39) et tantôt d’un petit rectangle d’or, au bas de son écu (Pl. XIII, 44).

Son fils Antoine, qui avait épousé Anne van Marcke de Lummen, eut à soutenir un procès contre Herman de Bourgogne, comte de Fallais. Par sentence du Conseil Privé du 24 mai 1613 il fut condamné, pour lui et ses descendants, à ajouter une seconde brisure en pointe, comme marque de double bâtardise. Quelques-uns l’ont changée en un filet en pointe qui est une brisure presque imperceptible (Pl. XIII. 45).

On peut en dire autant de celle adoptée par Charles de Bourgogne, seigneur de Bredam, gentilhomme de bouche de leurs altesses et lieutenant de fiefs du Brabant : une demi-champagne, entée en pointe de l’écartelé du premier et du quatrième quartier de ses armes (Butkens, suppl. I. 224) (Pl. III, 14). Ce n’est plus qu’un souvenir d’une bâtardise lointaine et glorieuse.

David et Philippe (Pl. XVI, 50, 51) de Bourgogne, qui furent évêques d’Utrecht, à la différence des autres bâtards de Philippe le Bon, brisent d’une champagne en pointe.

Le chef diminué, comme brisure en bâtardise, existe dans de nombreuses familles.

Jean de Longueval, seigneur de Fauconvilliers, tué à Azincourt, n’a pas laissé d’hoirs légitimes, mais de Jacqueline Baudreligne, fille d’un forgeron, il a un fils Baudran, bâtard de Longueval, qui porte les armes de sa maison au chef rompu d’or (Pl. XIV, 46). Jean de Longueval porte les mêmes armoiries mais son petit-fils Renom écartèle les armes de sa mère et supprime la brisure (Pl. XIV, 47).

Jean de la Trémouille, dont le père était bâtard, brise d’un chef rompu, de gueules (Pl. XIV, 48).

Je n’ai décrit jusqu’à présent que des brisures normales et régulières ; en voici qui s’écartent de la banalité et, par la fantaisie de quelques grands seigneurs, prennent des formes inattendues :

Olivier de Vrée attribue à Antoine, le grand bâtard, comte de Beveren et de la Roche en Ardenne un sceau aux armes de Bourgogne chargeant une large bande dans un écu soutenu par un lion et un griffon ; comme cimier, une tête de lion entre un double vol [p. 126] (Pl. XVI, 52).

Le petit-fils d’Antoine, Adolphe de Bourgogne eut un fils naturel d’Anne de Kanter, Philippe de Bourgogne, qui porte les armes de sa maison chargeant un chevron [ibid., p. 127].

De Marguerite Scupelins, Philippe le Bon eut un bâtard qui devint prévôt de St. Omer et d’Aire puis de St. Donat à Bruges en 1438 et de St. Pierre à Utrecht en 1476 ; sur son sceau, les armes de Bourgogne chargeant une très large fasce [ibid., p. 128] (Pl. XVI, 55).

Vredius donne à Baudouin de Bourgogne, surnommé « de Lille » que Philippe-le-Bon eut d’Anne de Tieffries, un sceau et un contre-sceau où les armes de son père chargent une bande occupant presque toute la surface de l’écu [Ibid., p. 128] (Pl. XVI, 54).

De ce Baudouin, dont la femme, Marie Manuel de la Cerda était du sang royal de Castille, descendent les seigneurs de Fallais ; un enfant éloigné de cette lignée, Jean de Bourgogne, seigneur de Fromont et de Ham-sur-Sambre, gouverneur de Namur, conseiller d’Etat, chef des finances des Pays-Bas, mort en 1585 et enterré à Sommelsdyck, porte une brisure que Pierre Palliot blasonne habilement de la manière suivante : « de Bourgogne, vêtu escloppé en pointe à dextre et à senestre, d’or, à la pointe en pointe du même. » C’est la brisure la plus extraordinaire que j’ai rencontré dans mes recherches et je pense qu’elle doit être unique (Pl. III, 15).

Quelques bâtards demeurent réfractaires à la brisure :

Marguerite de Parme, fille naturelle de Charles-Quint, gouvernante générale des Pays-Bas, porte les armes pleines de sa maison.

Don Juan d’Autriche était fils naturel de Philippe IV et d’une comédienne, Marie Calderona ; le roi, qui l’aimait tendrement, le reconnut et le combla de bienfaits. Don Juan fit tous ses efforts pour être déclaré infant de Castille, mais sans y réussir. Il ne voulut jamais de brisure dans ses armes.

Après l’omission, voici pour finir l’imposture :

Le célèbre mausolée de Marguerite de Bourgogne, à Notre-Dame, à Bruges, est orné, sur ses faces latérales, des trente-deux quartiers de la princesse. Or sa grand’mère, Isabelle de Portugal, était la fille du bon roi Jean, le vertueux bâtard, fils de Pierre I, loué par Olivier de la Marche, qui le compare à son frère Ferdinand en ces termes : Fernand fut légitime pour avoir l’héritage et bastard quant aux vertus de ses ancêtres ; et Jehan nasquit bastard quant à l’héritage et fut légitime par ses vertueuses œuvres [Olivier de la Marche, dans ses mémoires (Introduction, ch. IV), en parlant du roi Jean de Portugal, fait un plaidoyer en faveur des bâtards, qu’on lira avec intérêt, et qu’il termine en ces termes : « Ainsi, Monseigneur, en continuant mon propos, je vous ai bien voulu monstrer, que les bastards, vivans et règnans en vertu, ne sont pas à dépriser n’a rebouter, car Dieu n’est pas accepteur des hommes, mais des vertus ou des vices. »].

Sur le mausolée, on donne comme mère au roi Jean, Isabeau de Castille, femme légitime de son père, Pierre I (Pl. I, 3). Le mensonge est répété sur le mausolée de Charles le Téméraire.

Conclusion : la barre, la bande, le bâton péri et le lambel ne sont pas des brisures de bâtardise.

Bâtardise, nf. Etat de bâtard. En art héraldique, les armoiries des bâtards se distinguent par les brisures suivantes : un filet brochant en barre ; un franc-quartier aux armes paternelles, dans un écu plain ou chargé de meubles ; un chef rompu ou une champagne, plains ; exceptionnellement, les armes paternelles chargeant une pièce de l’écu.

A. Visart de Bocarmé.
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